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Des nouvelles de l'affiche du Salon

Alors, au départ, ce fut une couverture d'un de mes bouquins:

Petites histoires sanguinolentes de nos campagnes.jpg

Mais voyons voir un peu comment elle est née...

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Comment est née l'affiche du Salon ?

Une…
Une encore…
Et puis une autre…
Et ainsi de suite… Monotone… C’en est presque pénible…
Heureusement, pendant ce temps, il a le temps de gamberger… c’est l’avantage… Au temps qu’il fait, aux prochaines vacances… à l’inspecteur des impôts –pourquoi pas ?-, à ce qui pèse sur l’estomac…
Une…
Une merise de plus… qui passe entre ses doigts, lesquels l’écrasent sans remords pour expulser le noyau !
Une autre… même chemin… du panier de cueillette aux doigts qui la triturent, la martyrisent pour atteindre le petit machin dur qui finit au fond du premier saladier, alors que le second accueille la pulpe.
Une autre…
L’esprit s’évade, se fait des films, rêvasse, va par monts et par vaux, se fraie un chemin entre toute une foule d’idées plus ou moins sérieuses, ou bizarres, ou encore rigolotes, souriantes, et parfois horribles…
Il aime bien ce qui est horrible…
Une autre…
Et puis encore une…
Stop ! Soudain ! L’illumination… Son prochain bouquin a besoin d’une couverture… qui accroche ! Et pour présenter des Histoires Meurtrières des contrées bressanes, on ne peut pas mettre une image de petits oiseaux qui gazouillent dans les prés tandis que les blés blondissent au soleil… Ce ne serait pas sérieux et démontrerait que l’auteur fait n’importe quoi ! Non, il faut que l’emballage soit à la mesure du contenu. Un laitier renommé fabricant de camembert n’illustre pas sa boîte d’une gamine qui mord en souriant dans une tartine de confiture ! Ce serait contre productif, le bide total et absolu… Avec un zéro pointé en marketing de vente !
Non ! Il faut quelque chose qui attire le lecteur, qui lui donne envie de se plonger dans le livre…Histoires meurtrières… Histoires meurtrières… Qui dit meurtrières, dit que ça va peut-être, et sans doute, saigner… Un meurtre reste un meurtre, donc on a bien un meurtrier et une victime, un assassin et un assassiné, ou une assassinée… Normal, logique, quasi obligatoire… On ne commet pas un meurtre sans casser des œufs ! On ne commet pas un crime juste pour faire joli dans le paysage !
Une autre merise…
Et puis encore une…
Bon sang ! Cela en fait combien ? Beaucoup… Cela s’empile dans le saladier… Le jus dégouline sur les doigts… Rouge… Rouge… C’est…
Bon sang, mais c’est bien sûr !
L’idée jaillit, s’agrippe aux neurones du dénoyauteur… Etincelante… Aveuglante… Meurtre égale sang, sang induit la couleur rouge…
Et ça dégouline, le jus de merise comme le sang du meurtre… et ça s’étale, le rouge du fruit au fond su récipient comme la vie de la victime sur le tapis !
Une autre… Une autre…
L’idée germe, éclabousse la cervelle de notre bonhomme, la cervelle de notre écrivain !
Il arrête tout, brusquement. Ne jamais attendre que l’idée ait envie de s’enfuir, de se diluer, de s’envoler vers des cieux où d’autres pourraient la saisir au vol.
Il se lève, se rince les mains sur l’évier, sèche tout cela avec un torchon, et file à travers la maison. Jusqu’à son bureau, son antre, son joyeux bazar désorganisé. Il se saisit de son appareil photo.
Retour au pas de course sur le lieu du crime… pardon… sur la scène de dénoyautage.
Il s’assied, ouvre sa main devant d’objectif, à quelque soixante centimètres de son visage. Mise au point avec l’appareil, autofocus enclenché pour que cela soit net instantanément, sans être dans l’obligation de souiller la bague de netteté. Puis… direction le tiroir des couverts, prélèvement d’un long couteau à manche noir et lame brillante.
Retour à la case saladier, sans passer par la case départ et sans toucher le pactole !
Et une…
Et deux…
Et encore une autre… plusieurs à la suite.
Une brève plongée dans la pulpe du saladier récepteur, pour recouvrir la main de jus dégoulinant, de chair de merise vermillon. Le regard du connaisseur, de ceux que l’assassin pourrait jeter. Un hochement de tête. Tout est parfait.
Il se saisit du couteau. Bien en main, il le brandit avec un sourire carnassier.
De son autre main, la gauche, il prend l’appareil photo fermement. Pas évident pour un droitier… Pas le choix… Visée soignée… Clic et clac… Quelques clichés en rafales pour avoir diverses positions de cette main assassine. Cela doit être bon…

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Il repose l’appareil hors de portée des éventuelles giclée de jus de fruit.
Et une…
Et une autre…
La litanie reprend, bien qu’il piaffe de voir le résultat de sa prise de vue, du shooting comme on dit dans les milieux autorisés un peu snobs.
Et une…
Et… Et…
Génial, il n’y a plus de concurrentes dans le panier. Juste le temps d‘égoutter le jus mélangé aux noyaux orphelins. Tout mélanger avec une part de sucre un peu moins importante, et tout jeter dans la bassine à cuire. Il met tout cela sur la plaque de cuisson, lentement, sans bouillir ; La confiture, on la cuit doucement. Il faut expulser l’eau en trop pour qu’elle soit ferme et onctueuse quand même.
Passons, tel n’est pas le propos de développer ici une recette de confiture de merises.
Il met à feu doux et fonce vers son bureau, connecte l’appareil photo à l’ordinateur, visionne les clichés sanglants… Tous sont nets… Il choisit celui qui lui semble le meilleur, le plus apte à fournir une belle couverture.
Il le charge dans son logiciel de retouche…

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Et là, il s’abîme dans le travail long et fastidieux de correction de l’image. En Bresse, on dirait un boulot bezin ! Pixel après pixel, il détoure la main sanglante, ainsi que le couteau réduit à un filet de plus en plus mince. Un trait noir d’épaisseur variable enferme bientôt la photo...

DSC_0022-3.jpg

... avant de tout faire disparaître de l’arrière plan en utilisant l’outil « pinceau large » ! Pour obtenir en fin de compte un fond d’une noirceur à mettre du vague à l’âme au premier macchabée venu, ou au premier fantôme à s’aventurer dans les parages !
Un saut vite fait en direction de la cuisine pour vérifier la confiture qui embaume de plus en plus la maison, et retour sur la machine…

DSC_0022-2.JPG


Une bonne mise en page, quelques pavés de texte en gras et en rouge et le tour est joué.
Ou comment une main barbouillée de confiture de merises s’est transformée en main assassine capable de faire sa fête au premier individu venu…
Il est assez content de lui…
« Oui, cela fera une belle couverture et peut-être un jour… une belle affiche !

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