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  • NOUVELLE ARRIVEE SECONDE

     LA DERNIERE NUIT  -  Pierre Aubry

    Le crépuscule tombait. Une première étoile apparut dans le ciel d’été au moment où Sharon Mill atteignait le panneau d’entrée de la ville ; « Winfield – Pennsylvanie – 2977 habitants ». Le dernier réverbère dessinait devant elle sur la route assombrie une ombre qui s’allongeait à mesure qu’elle faiblissait. Elle s’engagea sur le sentier de pierres qui menait à sa maison, une haute bâtisse isolée qui se trouvait à un demi‑mile de l’agglomération. Un bruit dans les fourrés la fit sursauter. Elle fut rassurée en voyant sortir d’un buisson Tom, le chat d’Orson, l’étudiant qui travaillait de nuit à la station d’essence située en contrebas de sa maison. Au détour d’un virage, elle aperçut la lumière qui éclairait les fenêtres du salon et se sentit rassérénée. Pressant le pas, elle atteignit bientôt la balustrade de planches, ouvrit la porte avec impatience, et pénétra en hâte dans la pièce illuminée.

    Une feuille était posée sur la table de chêne :

    « Miss Sharon – j’ai réparé votre chauffe-eau. Tournez fort pour allumer la veilleuse. J’ai laissé la lumière allumée, comme vous me l’avez demandé. La lampe du frigo est grillée, je vous la remplacerai demain. Votre dévoué, Sonny. »

    Elle se servit un verre d’eau, fit réchauffer une pizza qu’elle engloutit avec appétit, puis s’allongea sur le canapé après s’être débarrassée de ses chaussures à talons plats. Elle brancha la radio sur une station de musique classique, et laissa divaguer ses pensées.

    « Ce brave Sonny, il est bien gentil. Et beau garçon, s’il n’avait pas les cheveux si longs et mal peignés. Dommage qu’il ait de si mauvaises fréquentations ; des hooligans, des filles… faciles. Il s’intéresse à moi, c’est sûr ; mais il risque d’attendre longtemps avant d’obtenir ce qu’il cherche. J’ai déjà réussi à le convaincre d’aller à l’office tous les dimanches, c’est déjà ça ! Même s’il ne le fait que pour moi. »

    Sharon Mill, étendue sur la moleskine marron du sofa dans une pose on ne peut moins lascive, les genoux serrés, engoncée dans une longue robe de toile grise, n’aurait éveillé aucun intérêt chez le plus concupiscent des observateurs. Et pourtant… En défaisant son chignon sévère, en déchaussant ses lunettes à monture de fer et aux petits verres ronds, en troquant ses larges oripeaux, ses chaussettes de laine écrue, pour une tenue affriolante, elle n’aurait pas démérité dans un concours de miss.

    « Quand viendra-t-il, celui que j’attends ? Bon mari, bon chrétien, droit et juste. Et, si le Seigneur m’interdit de le rencontrer un jour, je resterai vieille fille. Tant pis… ou tant mieux ! »

    Depuis la mort de ses parents, survenue cinq ans plus tôt, Sharon vivait seule et recluse, sans télé, et consacrait sa vie à des actions de charité. Dans cette optique, elle avait accepté un travail dans une filiale de l’église luthérienne, dont elle se consolait de l’ennui en considérant sa mission divine.

    Soudain, la sonate de Chopin fut interrompue par un grésillement désagréable. Elle se redressa et, au moment où elle s’apprêtait à tourner le bouton de fréquence, entendit une voix qui lui glaça le sang :

    « Nous interrompons votre émission pour une information de la plus haute importance. Restez à l’écoute…

    - C’est le président qui vous parle (la voix, déformée par l’émotion, était méconnaissable). Chers citoyens, nous vivons en ce moment les heures les plus graves qu’aient connues notre pays… »

    Le cœur de Sharon se mit à battre très fort. Elle parcourut les fréquences ; partout le même programme était diffusé.

    « … A cette attaque nous avons riposté. Il n’y a aucun doute sur l’identité de l’agresseur. Des centaines de missiles intercontinentaux ont été lancés depuis la Russie occidentale et la Sibérie. L’agression est d’autant plus lâche que, depuis des années, nos ennemis d’aujourd’hui ne cessaient de feindre d’œuvrer avec nous dans la voie du démantèlement de l’arsenal nucléaire. La catastrophe que nous redoutons tous depuis le début de la guerre froide va s’accomplir. Je ne puis que vous exhorter au courage et au pardon. Adieu, et God bless America ! »

    Sharon se sentit envahie par une vague de désespoir et de compassion qui firent place à une immense colère. Elle se mit à hurler.

    Puis, une fugitive lueur d’espoir illumina son esprit ; et s’il s’agissait d’une erreur ? D’une confusion qui aurait provoqué la diffusion d’un message enregistré à l’avance ?

    La voix du président avait laissé la place à celle d’un homme qui se présentait comme le chef d’état major. Il annonçait, d’une voix monocorde et très militaire l’évolution de la situation :

    « Une faible partie des missiles a été interceptée par notre défense, mais la quantité est trop grande pour que cette action ait un effet notable. D’après nos estimations, la côte ouest sera atteinte dans deux heures, et la côte est dans une heure quarante. Tout laisse augurer que le pays entier sera rayé de la carte. Plusieurs villes d’Europe, de part et d’autre, ont déjà été détruites : Londres, Paris, Strasbourg, Moscou, Varsovie, Prague… »

    Elle se résigna après avoir réfléchi : une erreur ou une supercherie n’aurait pu occuper toutes les fréquences. Il ne pouvait s’agir que d’un plan prévu par le gouvernement pour avertir la population. Et pourquoi au fond ? Il n’y avait rien à faire ! Et les propos tenus, décrivant la situation présente, ne pouvaient être pré-enregistrés.

    Elle monta à l’étage, sa radio à la main, éteignit le poste, et pria. Puis elle contempla de la fenêtre le beau ciel nocturne, piqueté d’étoiles. Bientôt, on y verrait apparaître des points lumineux et mobiles : les fusées qui apporteraient la mort depuis l’autre côté de l’océan.

    Elle ralluma la radio. La voix continuait d’égrener des nouvelles, qui n’avaient finalement aucune importance :

    « … aucun continent n’est épargné. Des puissances dont on ignorait jusqu’alors qu’elles possédaient l’arme atomique, sont entrées dans la guerre par le jeu des alliances. Le Cap, Johannesburg, Lagos, Tel‑Aviv, Damas, Sao Paulo, Buenos Aires, n’existent plus… »

    Une immense révolte contre la stupidité humaine s’empara de son esprit. Des images s’imposaient à sa pensée ; la fin de « docteur Strangelove » où fleurissent les champignons atomiques sur fond de musique douce, les atroces vue d’Hiroshima sur la couverture d’un magazine où il était écrit que les puissances nucléaires avaient de quoi faire sauter 50 fois la planète, le long hiver qui succéderait à l’Apocalypse et anéantirait toute trace de vie sur terre… Elle courut vers le buffet du salon où traînait dans la vitrine une bouteille de bourbon qu’elle réservait pour l’occasion improbable d’une visite. Elle la décapsula et but au goulot une grande rasade en faisant la grimace. Sa bouche, enflammée par la brûlure de l’alcool auquel elle n’était pas habituée, s’anesthésiait peu à peu. Elle porta de nouveau la bouteille à ses lèvres. Puis encore…

    Soudain, un bruit la fit sursauter. On frappait à la porte d’entrée. Elle courut l’ouvrir. Devant elle se tenait Sonny, la mine défaite.

    « Bonsoir Mamzelle, vous savez c’qui s’passe ?

    - Oui, entre. »

    Elle désigna la bouteille posée sur la table

    « Bois, ça te donnera du courage ».

    Le garçon, qui affichait d’ordinaire une pose si assurée, proche de l’arrogance, paraissait tellement faible et emprunté, qu’elle en oublia sa propre détresse. Elle était en face d’un être qui concentrait en lui toute la compassion qu’elle ressentait pour l’Humanité entière.

     

    Sonny bredouilla :

    « On va mourir, Mamzelle. Comme c’est fini… J’ai quelque chose à vous dire… »

     Elle lui arracha la bouteille des mains et, dans un mouvement de folie, déboutonna un à un les boutons de sa chemise.

     L’étreinte fut torride et sauvage. Sharon connut des sensations qu’elle n’aurait jamais soupçonnées. Elle voguait dans un espace inconnu qui lui faisait oublier la situation catastrophique. Elle se moquait de la mort, des missiles qui tomberaient bientôt, seulement satisfaite d’avoir connu au moins une fois dans sa vie, cette nuit qui serait la dernière, l’intimité avec un homme. Bizarrement, sous l’effet de l’alcool, de l’émotion, du plaisir, elle s’endormit d’un coup en serrant très fort Sonny dans ses bras.

    Un flot de violente lumière pénétra ses yeux à travers ses paupières closes. Elle les ouvrit, éblouie. Le soleil, sortant d’un nuage, entrait par la fenêtre. Elle était seule au milieu des draps froissés. Dehors les oiseaux chantaient. Elle s’assit au bord du lit.

    Quand elle eut compris, elle se saisit du transistor et le balança contre le mur où il explosa ; laissant apparaître des épissures de chatterton enserrant les fils électriques.

    On était en 1985, l’armée soviétique occupait toujours l’Afghanistan, les relations entre USA et URSS n’étaient pas au beau fixe, après le boycott des jeux olympiques, mais les négociations sur le désarmement étaient en bonne voie. L’hypothèse d’une apocalypse nucléaire semblait s’éloigner.

    Orson, après avoir reçu les 1000 dollars qui étaient l’enjeu de son pari, fut pris de remord et quitta Winfield pour New York, où il termina brillamment ses études d’électronique.

    Sharon, dévorée de honte, ne sortit pas de sa maison pendant les trois jours qui suivirent. Elle ressentit envers Orson une immense haine qui s’estompa au fil des mois. Elle resta célibataire, mais ne dédaigna pas d’entretenir des relations intimes avec quelques garçons sérieux.

    ______________________________________

     Bien des années plus tard, un matin de septembre, dans son appartement de Boston, Sharon avalait machinalement ses œufs au bacon, fascinée par les images que diffusait la télévision. On sonna à la porte ; elle ouvrit. Son voisin de pallier, un fringant quinquagénaire qui lui avait réparé son poste la semaine précédente, et qui la courtisait assidûment,  se tenait devant le seuil, la mine décomposée. Le visage de Sharon s’éclaira et elle lui lança :

     - Ah ! Je vous vois venir vous ! On m’a déjà fait le coup !

     

     

    Il prit un air ahuri devant cet étrange sourire ; tandis que sur l’écran, derrière elle, la deuxième tour du World Trade Center s’abattait dans une explosion de poussière.

     

  • UNE BELLE REUSSITE CETTE ANNEE ENCORE

    Quelques coupures de presses le lendemain du Salon qui vit la foule des années précédentes, même si les achats furent en-dessous de ce qu'on pouvait attendre... Mais une certaine crise continue à faire des ravages !

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  • LE GRAND PRIX DU CONCOURS DE NOUVELLES

    ET S'IL N'EN RESTAIT QU'UN

    Eric GOHIER

     

     

          10 janvier   J'avais beau m'y attendre, je me suis retrouvé cul par-dessus tête. Et le cockpit dans un état de bazar indescriptible. C'est la première fois que je remonte les Quarantièmes Hurlants et que je suis la proie d'une "Big One", ces vagues de plus de vingt mètres de haut qui laissent quille à l'air les voiliers des navigateurs solitaires en quête de record. Patience. Une prochaine me remettra à flots. J'ai trois mois de vivres à bord. Je peux tenir.

    13 janvier   J'ai cru mourir. Je ne sais pas combien de temps a duré cette tempête. Jusqu'au basculement. Le fracas a été épouvantable ! Ma tête a durement heurté un des renforts boisés du carré et je garde une bosse monstrueuse en souvenir. Le temps est minable. Je vais profiter de mon état cotonneux pour rester à l'abri et tout remettre en ordre. Le record, c'est râpé ! Je ne serai pas le premier sous les cinquante jours. Je ne regrette pas mon choix d'un bateau lourd mais résistant. Il n'a subi aucune avarie. Je ne suis pas parvenu à joindre les miens. Je réessaierai demain.

     14 janvier    C'est à n'y rien comprendre. Le jour refuse de se lever alors que je suis encore très loin du cercle polaire. Ce n'est pas vraiment la nuit. Plutôt une brume sombre et opaque  très haut dans le ciel. Plus étrange encore l'air recèle une odeur de fumée. Mes instruments de communication n'enregistrent aucun écho. Je ne parviens même pas à aller sur Internet, la connexion est impossible. Mes batteries sont pourtant chargées. Peut-être y a-t-il une panne de satellite. J'espère que tout va vite rentrer dans l'ordre. Il me tarde de dire à mes filles que je les aime… à leur maman aussi !

     16 janvier  Je suis au-delà de l'inquiétude. Je ne peux communiquer avec personne. Et toujours cette insupportable odeur de fumée ! Le ciel reste gris noir, mes batteries solaires ne se rechargent plus. Je crains le pire. Le froid reste supportable mais j'ai en permanence deux pulls sur moi. Je suis allé à fond de cale. Une chance que Max ait insisté pour que je prenne une éolienne de rechange ! Celle de pont est hors service. Ce matin, un albatros a survolé mon bateau. Cela m'a fait un bien fou de voir une trace de vie.

     18 janvier    La situation n'a pas évolué. Je crains le pire. J'ai remplacé l'éolienne à temps, mes batteries solaires étaient vides. Je viens de faire le point au sextant, je vais faire route sur l'Australie. Il me tarde de revoir le soleil. Quant à ma famille… j'essaie de ne pas y penser ! Les pires idées me viennent à l'esprit. Je n'arrive pas à trouver une explication rationnelle à tout ça susceptible de me rassurer. Je sens moins l'odeur de fumée. M'y suis-je habitué ? 

     24 janvier    Il fait de plus en plus froid. Ce n'est pas ce qui m'angoisse le plus, je suis équipé pour des conditions extrêmes. Ma V.H.F. reste muette, idem pour le téléphone satellitaire. Je ne comprends pas pourquoi mes appareils refusent de fonctionner. Par prudence, j'ai commencé à me rationner. En tirant un peu, je peux tenir quatre mois. Adélaïde est en vue, je devrais accoster demain si le vent se maintient. Aux jumelles, j'ai cru apercevoir des flammes et de larges panaches de fumée. Je commence à me demander si le ciel sombre n'est pas le corollaire de cette odeur de fumée. Douloureuse perspective !

     1er février     J'ai cru que je ne pourrais jamais me remettre à écrire. Je me suis rendu à terre à l'aide du canot de survie. Ce que j'y ai découvert est terrifiant. Le port n'existe plus. La ville non plus. Il n'y a plus un arbre debout. Tout n'est que chaos et cendres. L'apocalyptique résultante de ce qu'auraient engendré l'union infernale d'un tsunami, d'un séisme et d'un bombardement. Pas une habitation qui n'ait résisté, pas un bateau intact. Tout n'est qu'une désolation de métal, de boue… et de corps à perte de vue. Je n'ai pas rencontré un seul être humain vivant. Je viens de passer une semaine à pleurer, à vomir… à regretter d'être en vie. Mes appareils restent muets. J'ai préféré les éteindre pour économiser le peu d'énergie que me fournit mon éolienne. 

     3 février  J'ai cessé de m'alimenter. A quoi bon vivre ? Mon diplôme d'électromécanicien m'aura au moins servi à prendre cette décision. Après avoir bricolé une camionnette, je me suis enfoncé au cœur des terres. Je n'ai pas pu aller au-delà d'une cinquantaine de kilomètres. Tout est en feu. Ce qui n'a pas été détruit par la catastrophe brûle. Le ciel est de plus en plus gris, l'air de plus en plus froid. Au plein cœur de l'été austral ! Je n'ose même pas imaginer ce qui se passe au Nord ! Continuer ? Pourquoi ? Ce matin, je suis descendu dans la cale prendre une couverture. J'ai trouvé un carton au fond d'un placard. Un lot de livres. A moi qui ne lis jamais ! Inutile de chercher qui l'avait placé là. Carole est prof de français. Je me refuse encore à parler d'elle à l'imparfait. J'espère qu'elle et les filles n'ont pas trop souffert !

     8 février      Je viens de relire pour la troisième fois "Les contemplations" de Victor Hugo. J'ai recommencé hier à m'alimenter. Je ne savais pas que d'aussi belles choses se cachaient dans les livres. Un jour je vis, debout au bord des flots mouvants, Passer, gonflant ses voiles, Un rapide navire enveloppé de vents, de vagues et d'étoiles. Je ne peux pas avoir survécu pour rien. Toute chose a un sens. Quel est le mien ?

     20 février    J'ai suivi la côte jusqu'à Canberra en faisant escale à Melbourne. Je n'ai découvert que ruines et poussière… et une odeur de mort que ne parvient plus à éteindre le froid. Le silence me pèse trop à terre. Aucun chant d'oiseau, pas un cri d'animal. Le vent ne trouve plus de feuilles à faire bruire. Je lis et relis les livres de Carole. Cendrars, Apollinaire, Hugo, Rimbaud… Ils m'aident à tenir. Demain, je ferai route vers la Nouvelle-Zélande. En mer au moins il reste de la vie.

     14 mars    Je suis désespéré. Je ne supporte plus d'être seul. Auckland, Wellington et Christchurch sont dévastées. L'odeur que dégagent les morts est à ce point pestilentielle qu'elle parvient à dominer celle de la fumée que dégagent les gigantesques incendies dont j'aperçois la nuit le rougeoiement des braises. Je ne vois qu'une seule explication. Au faîte de ma connaissance. Celle qui justifie l'extinction des dinosaures : la collision de la Terre avec un météorite géant. Séisme, raz-de-marée, incendies. Tout corrobore. Je n'ai survécu que grâce à mon inconfortable position en mer. Pour combien de temps encore ?

     31 mars    Par désoeuvrement ou parce que je venais de lire "Le vieil homme et la mer" je suis allé à fond de cale récupérer canne, moulinet et Rapalas. J'ai pêché deux légines australes. Je les ai laissées sur le pont; le froid les conservera. Mes réserves s'épuisent. Si j'ai bien fait le point, j'accosterai demain aux îles Chatham. J'espère pouvoir y reconstituer ma réserve d'eau douce et trouver de quoi améliorer mon ordinaire.

     4 avril    La pluie s'est mise à tomber ce matin. Faible d'abord puis plus soutenue. Je pense souvent aux miens. A ceux que j'ai aimés. Aux autres aussi. Je crois que par moments je perds la raison. Une chance que j'ai ces quelques livres. De temps à autre, je regarde un film sur mon ordinateur portable. C'est dur de voir le monde tel qu'il était. Sans doute vaut-il mieux que j'arrête. Sur une des Chatham inhabitée, j'ai trouvé des plantes que je ne connaissais pas. Elles étaient en train de s'étioler. J'en ai cueilli de pleines brassées. Ce n'est pas très goûteux mais comestible. Je mange les racines crues et fait des soupes avec les feuilles. Cela me permet d'économiser mes réserves.

     17 avril     Il pleut toujours. Sans interruption. Je suis resté à l'ancre depuis quinze jours. Je ne vois plus aucune braise. La pluie aura au moins servi à ça. J'ai renoncé à allumer mon ordinateur; il n'y aura plus jamais de connexion. Je dors parfois des journées entières et demeure éveillé plusieurs jours de rang. Suis-je en train de devenir fou ? J'hésite à faire route vers la France. Si ma théorie du météorite est la bonne, je crains l'emballement des cœurs nucléaires livrés à eux-mêmes. A quoi suis-je donc utile ? Quel est mon sens ? L'idée m'a déjà effleuré de toiler mon navire au maximum, de le lancer à pleine vitesse et de sauter à l'eau. Aucun requin ne m'en voudrait !

     3 mai   La pluie s'est enfin arrêtée. Il était temps. Je sais presque par cœur "Les Contemplations". Je me parle de plus en plus à voix haute. Et me dispute souvent ! Mes nuits sont peuplées de tels cauchemars que je ne dors plus que le jour. Cela n'y change rien !

     18 mai     C'est ma fête ! Je me la suis souhaitée et me suis offert une double ration de soupe. J'ai en permanence gants et anorak. Ma peau commence sérieusement à se desquamer et je sens mauvais. Vivement que je tombe gravement malade !

     21 mai     Je crois que ces plantes me rendent fou. J'ai enfin levé l'ancre et fait route vers l'Amérique du Sud. J'ai tout mon temps. Personne ne m'attend. Les quelques cloques d'encre sur cette page sont dues à mes larmes. J'envie désormais Le dormeur du val. Qui viendra me faire la peau ?

     3 juin    Je n'y croyais plus ! Ce matin, le soleil est réapparu. Timide, enveloppé dans des voiles de satin. Je me suis fait un jus de racines pour saluer son retour. Il est bien temps salopard !

     13 juin    Je suis déçu. Terriblement. J'ai passé le Cap Horn avec un temps de curé. Du soleil plein les yeux, de grosses vagues molles aux fesses. J'aurais préféré une fin glorieuse. Une fin de marin ! Par je ne sais quel réflexe, j'ai rallumé ma V.H.F. On ne sait jamais, Dieu est peut-être à l'écoute. J'ai deux mots à lui dire !

     14 juin    Extraordinaire ! Inouï ! Fantastique ! Je n'en reviens toujours pas ! Je ne suis pas seul au monde ! Une voix m'a parlé. Elle s'appelle Véra. Elle est russe. Elle n'est pas seule. Igor est avec elle. Nous nous sommes parlés en anglais jusqu'à ce que ma batterie nous lâche. Elle se désespérait de lancer des messages en vain. Je suis regonflé à bloc. En route vers l'Amérique du Nord ! J'ai rebranché mes batteries solaires. Je ne veux plus cesser de parler !

     16 juin   Ahurissant qu'on puisse autant parler ! Véra semble aussi contente que moi. Nous parlons pour nous enivrer de nos paroles, nous prouver que nous sommes vivants. Nous avons tant à dire ! C'est si bon d'entendre une autre voix que la sienne. Igor ne veut pas me parler lui. Il ne veut rien d'ailleurs. Véra est inquiète à son sujet. Il n'est pas son mari. Juste un collègue. Elle a trente-quatre ans. Deux ans de plus que moi.

     20 juin    Je longe les côtes d'Argentine. Presque toutes voiles dehors. Véra m'occupe l'esprit à toute heure du jour et berce celles de mes très courtes nuits. Elle m'a confirmé ce que j'ai vu partout où j'ai débarqué. Un météorite lui semble à elle aussi l'explication la plus rationnelle. Elle est ingénieur en aéronautique; je lui fais confiance. Je parviens désormais à la faire rire. Ce n'est pas facile en anglais ! Je suis fier de moi.

     27 juin     Il m'a fallu des heures pour la consoler. Et encore, je ne suis pas certain d'y être parvenu. Ce matin, elle a trouvé Igor pendu. Avec un faisceau de fils électriques. Pauvre garçon ! Il me tarde de passer dans l'Atlantique Nord. La côte brésilienne semble interminable. La température s'est radoucie. J'ai découvert un plein carton de rations de survie. Avec toutes les racines qu'il me reste je ne me fais aucun souci. Le moral est au beau fixe !

     8 juillet    J'ai fait un drôle de rêve cette nuit. Celui d'un homme et d'une femme… Je n'ai pas osé en parler à Véra. Je préfère que nous fassions mieux connaissance avant.

     12 juillet    Véra prétend que je suis fou. Je compte bien lui prouver le contraire. Nous ne sommes pas survivants tous les deux pour rien. Un homme et une femme qui plus est ! J'ai coupé au travers des Grandes Antilles et laisse les Bahamas derrière moi. Pour me donner du courage je me récite "Les contemplations" à voix haute.

     17 juillet     La Floride est en vue. D'ici quelques heures je toucherai terre. Véra n'y croit pas. Moi si. A cœur vaillant rien d'impossible ! Nous sommes deux ! Et Cap Canaveral à quelques milles. Qui pourrait m'empêcher de la faire redescendre de la station Mir, de son orbite géostationnaire… il n'est que moi au monde !

     

  • LES GAGNANTS DU CONCOURS DE NOUVELLES

    Voilà, c'est fait, voici le classement final.

    Bravo à tous...

    Ce fut un bon crû...

    L'an prochain, il suffira de plancher sur le "Nombre 13, bon ou mauvais présage" !

    A vos expérience, et bonne plume...

     

     

     

    PALMARES DU CONCOURS DE NOUVELLES 2011

     

     L’équipe du Quatorzième Salon du Livre des Pays de l’Ain est heureuse de présenter les 10 nouvelles primées à son

     

    QUATRIEME CONCOURS DE NOUVELLES

     

    dont le thème est cette année :

     

    « LA FIN DU MONDE »

     

     96 textes nous sont parvenus, que les 9 membres du jury ont lus intégralement, armés d’une grille de lecture et de notation redoutable.

     

     1- GRAND PRIX DU SALON DU LIVRE,

     

    décerné par le Conseil Général de l’Ain

     

                                             Eric GOHIER

     

                                                                « Et s’il n’en restait qu’un »   

     

    (qui aura les honneurs de « Télé-Zapping », partenaire du Salon du Livre)

     

    2- PRIX DU CHATEAU DE SALVERT,

     

                            décerné par la Mairie d’Attignat

     

                                            Pierre AUBRY

     

                                                                « La dernière nuit »

     

    3- PRIX SPECIAL DU JURY

     

                                            Valérie SIMON

     

                                                                « Eau-killer »

     

    4eme PRIX : Jérémy CABOCHE – « Timeo danaos et dona ferentes »

     

    5eme PRIX :   Sébastien SARRAUDE – « Objectif Rhune »

     

    6eme PRIX :   Lucile DUMONT – « Les gardiens du crépuscule »

     

     

    7eme PRIX :   Emmanuelle CART-TANNEUR – « Poussière »

     

     

    8eme PRIX :   Philippe LAPERROUSE – « La der des ders »

     

     

    9eme PRIX :   Sophie APERT – « Chantage »

     

     

    10eme PRIX :   Lucienne BONNOT GANGUI – « L’alpha et l’oméga »

     

     Enfin, les jury ont eu chacun un coup de cœur : 6 sont dans la liste ci-dessus. Les 3 autres sont :

     

                        Janine SABATIER – « Qu’as-tu fait de ton frère ? »

     

                       Marianne LAPLACE – « Chers collègues »

     

                       Clémence RINCE – « La Violoniste »

     

     

     

     

  • La presse annonce le salon...

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  • ACCES AU SALON

    Pour les nombreux "petits nouveaux" qui viennent pour lapremière fois dans notre douce Bresse pas peu fière de ses poulets (...) :

    Pas d'affolement, tout sera fléché dans le village et autour. Surtout à partir de la sortie autoroutière BOURG NORD.
    Il sera impossible de se perdre.
    Attention... quelques travaux dans Attignat, mais sans danger.

    Dire que nous sommes prêts serait de la vantardise... Mais tout se passera bien, comme les treize autres salons précédents.

  • STOP...STOP... PLUS DE PLACES DISPONIBLES ...

    Le Salon 2012 fait le plein.

    Aux auteurs qui ne se sont pas encore inscrits : "Réservez plutôt pour 2013, Le Premier Salon APRES la Fin du Monde (!)".

    Pour cette année, ce n'est plus possible : toutes les tables disponibles sont occupées !

    Bref, on est complet .