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  • TROISIEME PRIX DU CONCOURS DE NOUVELLES 2013

     

    Elmer, série Quatorzième Convive, de M. Eric Gelard

     

    Ademer Pontrochu

    12 bis Av. du Fer à Cheval

    0548963 Portsalé

    Pl. Astrolos, Sect. Andromède

     A

     Altaïr Robotics, Service Clientèle

    1 place Technopolis, Boîte Postale TB57

    100A84 Capital City Cedex

    Pl. Hégémòn, Sect. Centre

     

    Portsalé, vourdi 36 brumar 8607 C.G.

     

    Madame, Monsieur,

     

    Mon nom est Ademer Pontrochu de la planète Astrolos et je souhaite déposer une réclamation auprès de vos services.

     Il y a six mois selon le Calendrier Galactique, j'ai offert à ma femme pour notre anniversaire de mariage votre dernier modèle d'androïde Elmer série Quatorzième Convive. Nous possédons une résidence confortable près du centre de Portsalé, non loin de l'astroport, ce qui nous permet d'organiser régulièrement des réceptions de tous types, incluant des soirées et week-ends entre amis, le nombre de convives s'élevant régulièrement à douze plus un.

    Sur Astrolos, nous ne transigeons pas avec les traditions séculaires, lesquelles nous ont jusqu'ici porté chance, jusqu'à faire de notre monde un havre de paix prospère. Vous n'y trouverez ni chats noirs, ni échelles, ni rien de ce qui pourrait porter atteinte à la tranquillité de notre planète. Nos immeubles comportent un simple palier intermédiaire entre les douzièmes et quatorzièmes étages, et la numérotation de nos rues comprend le nombre douze bis entre les numéros douze et quatorze.

    C'est pourquoi votre robot Elmer Quatorzième Convive a rencontré un vif engouement lors de sa sortie sur Astrolos. Jusqu'à présent, lorsque s'annonçait un repas accueillant quatorze moins un convives, nous étions dans l'obligation soit de rayer un invité de la liste, soit d'inviter une personne supplémentaire, quitte à louer les services d'un parfait inconnu.

    Votre brochure holographique présentait le modèle Elmer ainsi, je cite :

     " En avez-vous marre d'être XX à table ? -- j'en profite pour vous faire remarquer que cette brochure a été censurée, le nombre en question étant interdit sur Astrolos -- Vous ne voulez plus fermer votre porte à un ami pour être douze ou l'ouvrir à un inconnu pour être quatorze ? Alors le robot Elmer série Quatorzième Convive a été conçu pour vous. D'une apparence parfaitement humaine et d'une éducation irréprochable, il apportera gaieté et bonne humeur à toutes vos réceptions, grâce à un panel impressionnant quoique extensible d'anecdotes exotiques ou spécialement adaptées à votre monde. Il pourra également, grâce au module d'extension culinaire, vous aider à la préparation de festins inoubliables, à l'aide de milliers de recettes de cuisine issues de toutes les planètes de la Galaxie. Plus encore, le modèle Elmer est conçu pour ingérer la nourriture comme un véritable être humain et produit en toute discrétion un compost inodore qui ravira vos cultures potagères... et cetera... "

     Lorsque nous avons ouvert le colis, le robot Elmer semblait effectivement parfait. Grand, brun, élancé, avec cette étincelle séductrice dans un regard bleu qui nous a immédiatement plu, à ma femme et à moi. Il était qui-plus-est fourni avec toute une gamme de vêtements, du plus décontracté au plus sélect, car j'avais tout spécialement choisi le pack Mode Plus offert avec vingt-cinq pour cent de réduction. Les premières semaines, il nous a par ailleurs fourni une satisfaction irréprochable. Je dois reconnaître que le modèle Elmer est doté d'un esprit plus que spirituel ; il nous a bien fait rire lors de nos premières réceptions et les plats qu'il cuisine sont effectivement inoubliables.

     Malheureusement, très vite, s'est instauré au sein de mon couple une ambiance distante que je ne pouvais m'expliquer au départ. Ma femme communiquait de moins en moins, prétextant migraines et fatigues incompréhensibles à l'heure du devoir conjugal.  Systématiquement, je la trouvais épuisée en rentrant de mon travail. Je me suis posé beaucoup de questions, jusqu'au jour où je l'ai surprise au lit avec le modèle Elmer.

     La situation s'étant aggravée avec le temps, je dors aujourd'hui sur le divan de mon salon, ma femme partageant sa couche avec un robot. Elle est littéralement tombée amoureuse de votre machine.

     Le divorce étant considéré comme porte-malheur, il est interdit sur Astrolos.

     En conséquence de quoi je vous enjoints par la présente de reprendre l'androïde Elmer série Quatorzième Convive que vous m'avez vendu, tout en exigeant un remboursement intégral. Si vous refusez d'accéder à cette demande, je me verrai dans l'obligation de déposer une plainte contre vous auprès de la Chambre de Commerce Galactique.

     Respectueusement vôtre,  Ademer Pontrochu

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     Altaïr Robotics, Service Clientèle

    1 place Technopolis, Boîte Postale TB57

    124A84 Capital City Cedex

    Pl. Hégémòn, Sect Centre

     à

     M. Ademer Pontrochu

    12 bis Av. du Fer à Cheval

    0548963 Portsalé

    Pl. Astrolos, Sect Andromède

     

    Capital City, tartredi 05 vextror 8607 C.G.

     

    Cher Monsieur Pontrochu,

     Vous nous faites part de votre mécontentement à propos du modèle androïde Elmer série Quatorzième Convive, que vous trouvez trop parfait. Malheureusement, je dois vous rappeler, comme il est écrit dans le contrat de vente que vous avez signé, article douze bis, alinéa quinze moins deux, que nos produits ne sont ni repris, ni échangés. Je ne peux donc accéder à votre requête, fût-ce pour cause de perfection.

     Je peux toutefois vous proposer d'acquérir le modèle Emma Kamasoutra, experte en séduction amoureuse. Dans un premier temps, elle vous tiendra compagnie si vraiment vous vous sentez seul. Dans un second temps, ses techniques éducatives vous permettront d'accéder, dans l'art ancestral de la séduction, à un niveau suffisant pour surpasser le modèle Elmer et reconquérir votre femme.

     Respectueusement vôtre et à votre entière disposition,

      Votre chargé clientèle : Oledãff Crěmansec

  • PRIX DU CHATEAU DE SALVERT (deuxième prix)

    MONODIE EN NOIR ET BLANC, de M. ERIC GOHIER

     

    Eva se massa le visage afin de soulager les cernes qui vieillissaient ses yeux, Elle se plongea ensuite dans l'examen sans concession du journal. Chaque matin, comme tous les rédacteurs adjoints, elle prenait plaisir à ausculter de manière avide le bébé accouché dans la nuit.

    Le jour se levait enfin, timide, lorsque Eva replia le journal. Insatisfaite. Son esprit demeurait accaparé. Un détail la gênait, perturbait son bien-être intellectuel. Ce qui la troublait avant tout c'est qu'elle ignorait la teneur de ce détail. Elle avait pleine conscience qu'au sein des pages quelque chose l'avait heurtée, choquée, troublée. Au point de se sentir mal à l'aise. Mais quoi ?

    Elle ne disposait plus que d'un quart d'heure avant la séance de débriefing post-rédactionnel. Sans chercher à réprimer un soupir agacé, Eva reprit sa position initiale. Puis tira le quotidien à elle et se replongea dans l'examen des pages. Une à une. Elle découvrit enfin ce qui l'avait tant troublée. Ce détail pour le moins bouleversant se révélait sur une photo illustrant un fait divers survenu la veille : la dramatique sortie de route d'un autocar en Italie. Près d'une quarantaine de morts.

    Eva devint blême. S'interrogea sur sa santé mentale. C'était pure folie ! Tutoyait-elle la démence… ou avait-elle raison ? Si tel était le cas, on frisait l'irrationnel… la quatrième dimension.

     

    Une heure plus tard, Eva sortit de la salle de rédaction. Elle appela l'ascenseur. Le bon sens aurait voulu qu'elle regagne son appartement, histoire de récupérer le sommeil que lui dérobait son travail nuit après nuit. Son index hésita un instant sur la rangée de boutons. Elle appuya enfin sur celui marqué —2. Cette pensée parasite lui perturbait trop l'esprit.

     

    Malgré la fatigue, Eva n'en continuait pas moins de feuilleter les archives du journal. Elle avait déjà parcouru deux années à rebours. Seules les photos et les dates l'intéressaient. Cela allait vite  mais revêtait le caractère troublant de ce que l'on espère erroné mais qui, hélas, se révèle vrai peu à peu. Elle avait déjà imprimé sept articles encadrant une photo où ce qu'elle subodorait apparaissait, indiscutable. Quelque chose de terrible. D'incroyable. D'irrationnel. Au-delà de toute logique !

    Un quart d'heure plus tard, elle abandonna après une huitième preuve. Il en restait d'autres, elle n'en doutait pas. Epuisée, elle se laissa emporter par un profond soupir. Si Luc se trouvait encore dans le bâtiment… Il lui tardait de soulager sa conscience, de partager avec autrui le terrible secret. L'espace d'un instant, elle se demanda pourquoi personne avant elle… Un sourire raviva son visage soucieux. Bien sûr ! Certainement que d'autres avaient noté ce détail… mais à l'évidence ils s'étaient montrés trop lâches pour oser affronter les inconditionnels de la logique pure.

     

    Par la baie, quelques flocons épars égayaient cette mi janvier. Luc fit pivoter son fauteuil.

    - Eva, tu me fais perdre mon temps ! s'exclama-t-il. Je crois que tu es très fatiguée ma chérie !

    Dans ce ma chérie, Eva entendit un mælstrom de sentiments. D'abord l'agacement d'avoir été interrompu. Ensuite, l'effarement et l'indécision face à l'idée farfelue de sa collaboratrice. Mais aussi une certaine compassion et un peu de tendresse.

    - Tu as vraiment cru que c'était possible ? demanda-t-il pour la quatrième fois au moins.

    Luc Bodin abordait la soixantaine dans un état de fatigue avancé. Nombreuses nuits de veille. Pression du chiffre. Terrible tyrannie des patrons de presse sur les rédacteurs en chef.

    - Mais Luc, protesta Eva, comment nier la vérité ? Tu vois bien qu'il s'agit du même type !

    - Non, soupira-t-il. Désolé.

    - Mais enfin !  Regarde bien !

    Plus pour lui faire plaisir que par conviction profonde, il reprit les huit feuillets imprimés, fit mine de les examiner à nouveau. Une ressemblance troublante, certes. Mais pas plus ! De toute façon, vu la netteté des photos de presse ! D'autant que la foule des badauds ne valait jamais une mise au point. C'était un élément nécessaire mais négligeable du décor.

    - Non, trancha-t-il enfin. Tous ces types se ressemblent mais ce n'est pas le même bonhomme ! Des gars en costume noir avec une grosse moustache, il y en a à la pelle.

    - N'importe quoi ! Et ce n'est pas n'importe quelle foule ! C'est à chaque fois sur les lieux d'un drame et toujours le 13 du mois ! 13 juin : l'usine chimique en Inde, 13 mars : le séisme en Turquie, 13 janvier : le tsunami à Java, 13 octobre : la tuerie en Chine…

    - Justement ! s'emporta Luc. Tous ces faits divers ont eu lieu à des milliers de kilomètres les uns des autres ! Comment le même type pourrait-il se trouver à chaque fois sur place ? Et puis marre de cette lubie du 13. Jésus, la Cène, Judas ! Basta ! Il est temps de tourner la page !

    - N'empêche qu'il n'y a pas de chambre 13 dans les hôtels, pas de treizième étage aux Etats-Unis fit remarquer Eva. À moins, à moins... que ce ne soit lui qui soit à l'origine de ces drames !

    Luc la fixa dans les yeux. L'inquiétude cédait soudain la place à l'agacement.

    - Tu penses réellement ce que tu dis ? demanda-t-il d'une voix douce.

    - Oui…  non… enfin je n'en sais rien…

    - Si je te suis, ce gars, chaque 13 du mois, lance des incantations au ciel pour faire exploser des usines ou se crasher un avion afin d'être pris en photo. C'est ainsi que tu vois les choses ?

    - Non… Enfin… Bien sûr que dit de cette façon ça semble impossible…

    - Non ! Cela ne semble pas impossible, ça l'est ! Formellement ! Rigoureusement ! la coupa Luc.

    Il continua sur un ton plus amène, celui que l'on adopte pour raisonner un enfant. 

    - Tu as cru reconnaître la même personne sur toutes ces photos alors qu'il ne s'agit que de types différents tous vêtus de la même manière et portant tous la moustache. Ecoute Eva, nous travaillons ensemble depuis plus de quinze ans ; je dois avouer que je t'apprécie beaucoup. Ces derniers temps, je t'ai mis la pression, les ventes étaient en baisse, il fallait remonter la pente.

    Sans cesser de parler, il contourna son bureau et vint se placer derrière elle. Il posa ses mains sur ses épaules. Elle ne put s'empêcher de frissonner. Il était donc capable de tendresse !

    - Tu es surmenée Eva. Voilà près de six mois que nous nous défonçons tous pour remonter les ventes de ce putain de journal ! Ne cherche pas ailleurs une autre explication.

    Luc accentua la pression de ses mains au creux des épaules d'Eva.

    - Ecoute, je crois que le plus sage ce serait que tu prennes un peu de repos. Tu verras, avec le recul nous rigolerons de tout ça à ton retour. Si tu veux, je te prête mon chalet de Chamonix. Il sera libre d'ici une quinzaine de jours Va t'y reposer, cela te fera le plus grand bien !

    - Mais, la rédaction… protesta Eva, tentée malgré elle par la proposition et troublée par les arguments de Luc. Elle devait admettre qu'elle s'était dépensée sans compter. Souvent au détriment de sa vie privée... et de son temps de sommeil.

    - Ne t'inquiète pas pour ça. Berthier pourra te remplacer. Alors, qu'est-ce que tu penses de ma proposition ?

     

    Les chalets de bois s'amenuisaient. Eva regarda son reflet dans la vitre du téléphérique. Les cernes disgracieux s'étaient effacés au fil des jours. L'esprit plus reposé, elle contemplait désormais d'un œil indulgent l'étrange idée qui lui avait accaparé l'esprit. Comment avait-elle pu se convaincre d'une telle ineptie ? Pas une seconde elle n'avait regretté d'avoir accepté la proposition de Luc. Montagne superbe, temps clément, chalet somptueux, pistes peu encombrées.

    Elle avait pris un peu de poids. Apparemment, elle plaisait avec ce petit ajout superflu. A preuve, la nuit avec cet Allemand charmant rencontré en boîte. Il ne parlait pas un mot de français mais le bien qu'il lui avait fait valait toutes les paroles du monde. Qu'il était doux de se sentir aimable à cinquante ans ! Elle s'adressa un sourire dans la vitre. Songea qu'il ne lui restait plus que quatre jours à passer ici. Elle soupira. Un soupir gentil, déchargé du moindre dépit. Elle le savait avant d'arriver. Mais bon, une semaine supplémentaire n'aurait pas été pour lui déplaire.

    La cabine se baladait dans le ciel à plus de cinquante mètres de hauteur. Les skieurs paraissaient minuscules, innocentes virgules sur le blanc de la neige. La station était en vue. Dans cinq minutes, Eva se joindrait à eux. Parmi la soixantaine de personnes occupant la cabine, certains rassemblaient déjà leurs affaires, pressés de retrouver le soleil. Eva ne songea pas à se mêler à la bousculade pour descendre parmi les premiers. Elle baignait encore dans la doucereuse quiétude de la nuit passée.

    Le chalet d'arrivée ne se trouvait plus qu'à une quarantaine de mètres lorsque la cabine s'immobilisa soudain dans d'une violente secousse. Plusieurs personnes se retrouvèrent précipitées au sol et quelques cris de douleur ajoutèrent au pénible de l'incompréhension générale.

    Que se passait-il ? Nul n'était en mesure de fournir une explication. Eva pensait à une panne électrique mais gardait cette explication par devers elle. Pour être franc, elle prenait cet incident avec le sourire. Elle n'était pas sujette à la claustrophobie et ne doutait pas une minute de la diligence des services techniques. Histoire de se rendre utile, elle prit la main de la vieille dame qui se tenait à côté d'elle et tenta de la rassurer. Elle détestait voir pleurer les personnes âgées.

    Sans lui lâcher la main, Eva jeta un œil en direction de la plate-forme du chalet d'arrivée. Une cinquantaine de personnes regardaient dans leur direction. Pas la peine de faire donner le clairon, pensa-t-elle, sitôt avertis, les charognards sont là, quelque soit le lieu ou la latitude !

    Soudain, un cri fusa dans la cabine, détourna son attention : Là ! Mon Dieu ! Le câble !

    Ce cri en déclencha toute une série d'autres. L'affolement se mua rapidement en panique. La cabine ballottait au gré du vent, pas plus sans doute que quelques secondes auparavant, mais ce cri de terreur avait soudain transformé ce balancement naturel en un effroyable tremblement lourd de menaces. Eva se leva, s'efforça d'apercevoir ce vers quoi tous les passagers tentaient de diriger leurs regards. Un indescriptible désordre agitait encore plus la cabine. Eva distingua vaguement une effilochure sur le câble quelques vingt mètres plus haut. Était-ce la cause de cet arrêt inopiné ? Un brin de moins sur toute cette épissure d'acier suffisait-elle à mettre leur cabine en péril ? Y avait-il un risque réel ? Eva était dans l'incapacité à répondre à toutes ces questions. Une seule chose lui semblait sûre : elle désirait vivre !

    Ce serait trop bête que tout s'arrête à cause d'un petit câble d'acier de quelques centimètres de diamètre. Elle n'avait rien de fait de mal pour mériter ça ! Emportée par la panique ambiante, Eva regardait le câble, la station d'arrivée où s'agglutinaient de plus en plus de curieux, le ciel si bleu de la promesse d'un beau jour à vivre, les pistes sous la cabine que les skieurs insouciants persistaient à dévaler, pressés d'arriver en bas pour plus vite remonter. Ses yeux glissèrent vers la plate-forme d'arrivée. La foule des badauds avait grossi encore. Une centaine pour le moins.

    Elle reçut soudain un violent coup au cœur. Ses jambes flagellèrent, son corps trembla sous le choc de l'émotion. Elle se mit à suffoquer. Puis, alors que la vieille dame la bousculait pour voir elle aussi ce câble qui...  tout s'apaisa dans son esprit. Elle sut dans l'instant que le câble allait se rompre, que la cabine finirait par aller s'écraser au sol… que tous ses occupants allaient mourir.

     

    Très calme, sans amertume ni colère, elle reprit place sur son siège. Par la vitre, ses yeux balayèrent le paysage tant qu'il en était encore temps, du blanc de la neige au bleu si pur du ciel. Elle n'accorda qu'une modeste attention à toutes les personnes rassemblées sur la plate-forme.

    Parmi elles, se tenait un homme vêtu d'un costume noir. Une épaisse moustache lui barrait le visage… quant au déroulant électronique, il dénonçait en lettres rouges le 13 du mois de février !

  • LE GRAND PRIX 2013 DU SALON DU LIVRE

     

    LE JEU DU 13OR

    de madame Pascale MAUVAIS


    La Plaine Saint Denis, vendredi 13 septembre 2013. Françoise Triboulet arriva vers dix neuf heures aux studios de TF1. Une hôtesse alerte et courtoise la guida dans un dédale de couloirs jusqu’à la porte d’une loge où l’attendaient un coiffeur aux cheveux longs et une maquilleuse, image parfaite de la bimbo.  Le quatuor des mains expertes, virevoltant autour de sa tête, mit en valeur en moins d’une demi-heure ce qu’elle était déjà, une très jolie femme. Ils la complimentèrent sur son tailleur chic et choc et lui demandèrent de patienter un petit quart d’heure dans sa loge.

    Seule en face de son miroir, Françoise fut aussitôt happée par une bouffée de stress. Elle respira profondément en essayant de se détendre. Pas le moment de flancher. Elle avait franchi haut la main toutes les sélections et se retrouvait en finale pour le « Jeu du 13OR ». Des treize candidats de départ, tous nés un vendredi treize, ne restaient plus en lice que Jules Rivaud et elle. Jusqu’à présent, la jeune femme l’avait jugé comme un partenaire stimulant, capable de répondre vite et sans faute aux questions de Jean Pierre Foucault, mais aujourd’hui, il devenait son dangereux rival.

    L’épreuve finale n’avait plus rien à voir avec les premiers tests de sélection. Les connaissances en culture générale ou en lien avec le chiffre treize ne seraient plus de grande utilité. Les questions viseraient la personnalité et le vécu des finalistes. L’émission remportait déjà un franc succès, mais cherchant à faire exploser l’audimat, Jean Pierre Foucault avait proposé que les téléspectateurs aient seuls le droit de vote pour la grande finale. Le public choisirait le gagnant en fonction de son ressenti personnel et de ses affinités. Les deux concurrents étant à l’opposé l’un de l’autre, la soirée s’annonçait pimentée.

    Françoise, selon un terme à la mode, s’était elle-même décrite dans les émissions précédentes comme quelqu’un de normal. Mais un normal agrémenté de signes positifs. Le chiffre treize ne l’avait jamais  desservie: un beau mariage avec un chirurgien esthétique, trois charmants bambins, des parents et beaux-parents adorables et très présents pour les petits. Ils seraient tous là ce soir, venus en force pour l’applaudir et l’encourager. Ainsi que de nombreux amis de la candidate.  Elle vivait dans le XIIIème arrondissement et tenait une boutique de fleurs, située près du quartier chinois. La mère de famille ne travaillait pas les week-ends, ni le mercredi, se reposant en toute confiance sur les deux salariés que son chiffre d’affaires florissant lui avait permis d’embaucher. A trente et un ans, la fleuriste semblait comblée. Elle n’avait jamais été superstitieuse et s’était inscrite au jeu par pur divertissement.

    Jules avait vingt ans de plus. Père de quatre enfants, divorcé deux fois, il avait subi un licenciement économique en janvier dernier. Pôle Emploi lui versait généreusement de quoi payer les pensions alimentaires de ses ex-épouses, mais son statut de chômeur l’insupportait au plus haut point. Ses recherches actives d’un nouveau poste de Directeur Financier en région parisienne n’avaient pour l’instant rien donné. Il se sentait en situation d’échec et en marge de la société. Il avait pris dix bons kilos en quelques mois, avait arrêté le sport, s’était remis à fumer et jetait beaucoup de cadavres de bouteilles, toutes les semaines, dans les containers, à l’angle de sa rue du XVIème arrondissement. Malgré tout, c’était un fort bel homme, au charisme indéniable. Ce soir, il était venu pour gagner. Jules les voulait, ces treize millions. Ses projets  étaient basés sur des besoins clairement identifiés: réussite sociale, exotisme et volupté. Il allait partir aux Iles Caïmans, y développer son propre cabinet d’Audit Financier et trouver une compagne tendre et sensuelle, accessoirement désintéressée par son statut de millionnaire. Contrairement à Françoise, il était superstitieux et s’était inscrit au jeu du 13OR pour conjurer la malchance qu’il  associait au chiffre treize.

    Françoise et Jules se retrouvèrent sur le plateau de télévision et se firent gauchement la bise. Les fameux pupitres de jeux équipés de buzzers avaient été remplacés par deux fauteuils rouges, face aux caméras. Les deux candidats  s’assirent en chantonnant la fin du générique, désormais célèbre : « … et 10 et 11 et 12 et 13, 13, 13! Que ce chiffre nous comble d’aise ! On est chaud comme la braise ! On est fort comme des balaises !  Que le meilleur gagne, ne vous déplaise ! »

    Jean Pierre Foucault fit son apparition, grand sourire et voix de velours:

    - Bonjour ma chère Françoise, bonjour mon cher Jules, vous avez brillamment remporté toutes les épreuves précédentes. Vous méritez d’être là aujourd’hui et nous allons passer une soirée formidable ! Je rappelle que l’un de vous deux va repartir avec un chèque de treize millions d’euros. Vous allez maintenant découvrir, avec nos téléspectateurs, les règles de la finale du grand « Jeu du 13OR »:

    Les trois premières épreuves comprendront chacune quatre questions, sur un même sujet, et pour lesquelles vous n’aurez que treize secondes pour répondre. Je répète : trois thèmes, quatre réponses à fournir en moins de treize secondes à chaque série, soit un total de douze questions. Suivra ensuite la treizième et dernière, un peu plus ardue, si bien que nous rallongerons votre temps de réponse à une minute treize. Soyez francs et spontanés !  Quant à vous, cher public, vous disposerez donc de quatre moments de vote pendant lesquels vous désignerez par SMS votre candidat favori. Tapez  un pour Françoise ; tapez deux pour Jules.

    Françoise et Jules, êtes-vous prêts ? Très bien, concentrez-vous, voici les quatre premières questions :

    Vous décidez d’acquérir un animal de compagnie original, encore désigné sous l’acronyme NAC,  pour Nouveaux Animaux de Compagnie :

    ü     Lequel ?

    ü     Pourquoi ?

    ü     Son nom ?

    ü     Trouvez un lien entre le chiffre 13 et votre NAC

    Les réponses écrites par les candidats furent ramassées à la sonnerie du bip des treize secondes.

    Françoise : l’écureuil de Corée / par rapport au film « L’âge de glace » / Nutella / peut avoir 13 petits par an en deux portées.

    Jules : l’écureuil de Corée / par rapport à la Caisse d’Epargne / Carat / espérance de vie de 6 à 13 ans.

    -C’est vraiment incroyable, surprenant ! Vous avez choisi l’écureuil de Corée tous les deux, quel hasard ! Les téléspectateurs ont encore quelques minutes pour faire leur choix pendant la pause publicitaire.

     L’animateur quitta le plateau en demandant à son équipe de régisseurs de surveiller les concurrents, interdiction formelle de communiquer entre eux, sous peine d’être disqualifiés. Il but une grande rasade de Vittel fraise, relut ses fiches et revint tout sourire sous les caméras.

    Voici maintenant les quatre questions suivantes, un peu plus existentielles :

    ü     Quel livre a profondément marqué votre jeunesse ?

    ü      Pourquoi ?

    ü     Décrivez un évènement lié à cette lecture

    ü     Citez une de vos expressions favorites d’un personnage célèbre

     

    Françoise : le Petit Prince / une leçon de vie poétique et philosophique / j’ai bricolé pendant deux mois une sorte de fusée qui s’est désintégrée à l’allumage et m’a valu une semaine d’hospitalisation pour brûlures graves aux mains / Victor Hugo : « Rêver, c'est le bonheur; attendre, c'est la vie. ». 

    Jules : Cinq semaines en ballon / la découverte du continent africain / j’ai bricolé pendant deux mois une sorte de montgolfière qui a explosé à l’allumage et m’a valu une semaine d’hospitalisation pour brûlures graves aux mains / Coluche : « Ce n’est pas le tout d’avoir des bagages ; encore faut-il savoir où les poser ».

    L’animateur resta sans voix ; il ne croyait pas aux coïncidences répétées. Les choses ne se déroulaient pas comme prévu. On allait l’accuser de tricherie. Il essaya de masquer son malaise et s’exclama :

    -C’est encore plus incroyable, renversant, on s’approche du paranormal! Je rappelle aux téléspectateurs que les deux candidats ne se connaissent pas en dehors de l’émission et ne se sont pas concertés bien évidemment ! Vous ne semblez pas étonnés plus que ça, Françoise et Jules, mais les standardistes nous signalent que de nombreuses personnes ont voté en rajoutant un point d’interrogation derrière leur choix. Moi-même, je suis sidéré ! Voyons la suite qui, je l’espère, va mieux différencier nos candidats:

    ü     Quelle destination touristique vous fait le plus rêver ?

    ü     Pourquoi ?

    ü     Quel objet indispensable emmèneriez-vous dans votre valise ?

    ü     Quel est votre cocktail préféré ?

    Françoise : les Caraïbes / pour sa population multiculturelle et festive / mon lecteur MP3/ le Polar Blue Lagoon.

    Jules : les Caraïbes / pour ses plages et sa nature paradisiaque / mon lecteur de livres numériques / le 13 Tones Bell.

    De toute sa carrière, jamais Jean Pierre ne s’était senti aussi déstabilisé sur un plateau. La sueur suintait sous ses aisselles, signe d’extrême nervosité. Il ne pensa pas à demander à Jules la recette de son cocktail, ni l’origine du nom, très à propos dans le jeu. Cherchant vainement à ne pas répéter incroyable, il ne réussit qu’à bredouiller un pathétique :

    -Je n’arrive pas à le croire…Encore une réponse commune ! Comment ne pas associer le chiffre treize à la sorcellerie ! Nos candidats seraient-ils habités par un même esprit ?! Je me permets un petit jeu de mots de circonstance : « treize étrange », n’est-ce-pas ?

    Bon, rien n’est joué pour l’instant, il reste la dernière question pour vous départager. La voici, écoutez bien : Vous avez une minute treize pour écrire un triskaidécasyllabe - c'est-à-dire un vers de 13 syllabes - sur le thème de la chance, telle que vous la ressentez en ce moment même. Une petite indication pour vous aider : pensez à utiliser des mots avec des e muets si besoin:

    Françoise : La / chan(ce) / est / un / bou /quet / de / ro(ses) / aux / é /pin(es) / cru / el(les)

    Jules : La / chan(ce) / est / une / vo / lu / pté / i /né / di(te) / qui / j’ail / lit !

    Après consultation de Maître Nadjar, huissier de justice, Jean-Pierre Foucault annonça des scores finaux parfaitement identiques et les deux gagnants ex-aequo empochèrent chacun six millions et demi d’euros. L’émission fit parler d’elle bien au-delà des espérances du célèbre animateur. Critiqué et accusé par les médias de tromperies et manipulations, il fut mis au placard pour treize mois, le temps de réfléchir à treize fois avant de proposer une nouvelle émission originale.

    Françoise s’envola le soir même vers les Iles Caïmans. A treize ans à l’envers, lassée d’un  bonheur trop plat et trop sage, elle allait chambarder son quotidien. Sur le siège voisin, Jules lisait paisiblement le menu de la classe affaires, hésitant entre le homard sauce champagne ou le tournedos Rossini à la truffe.

    Le Boeing 713 d’Air Caraïbes s’abîma en mer à une centaine de milles des côtes antillaises. Seuls quelques passagers de la rangée 13 survécurent miraculeusement au crash.

     

  • LES GAGNANTS DU CONCOURS DE NOUVELLES

     

    LE CLASSEMENT FINAL

     

    Premier Prix du Concours 2013

    Grand Prix du Concours, remis par M. Rodet, Vice-président du Conseil Général de l’AIN

    Madame Pascale MAUVAIS (Antibes)

     

    Deuxième Prix du Concours 2013

    Prix du Château de Salvert remis par M. Goyard, Maire de la commune d’ATTIGNAT

    Monsieur Eric GOHIER (Frontignan)

     

    Troisième Prix du Concours 2013

    Prix du Salon du Livre

    Monsieur Eric GELARD (Crac’h)

     

    Quatrième prix

    Monsieur Stéphane GÉRARD (Saint Dié)

     

    Cinquième prix

    Madame Josiane ELOY (Montpellier)

     

    Sixième Prix

    Monsieur Henri Georges CALAC (Villemur sur Tarn)

     

    Septième Prix

    Monsieur Denis JULIN (Saint Coutant)

     

    Huitième Prix

    Monsieur Bernard MARSIGNY (MarcouX)

     

    Neuvième Prix

    Monsieur Jacques BONNAL (Ecommoy)

     

    Dixième Prix

    Monsieur Pierre AUBRY (Paris)

     

    COUPS DE CŒUR DU JURY,

    hors classement

     Monsieur Sauveur PADOVANO (Roquevaire)

     Monsieur Claude BOUHANA (Bouvieux)

     Madame Sylvie RAYNAUD (LORIENT)

     Monsieur Bernard JACQUOT (Blagnac)

     Monsieur Patrick PONCET (Chardonnay)

     

  • ON EST TOUS PRÊTS !!!

    Tout est prêt pour demain dimanche.

    Les routes ont balisées.

    Les tables sont installées et n'attendent plus que les auteurs.

    Même la météo nous sera favorable, paraît-il !

    Alors, on va où demain dimanche ?

  • VENIR A ATTIGNAT

    Pour venir nous voir : il faut rallier Bourg en Bresse, puis, par la route, prendre direction :"  MONTREVEL en BRESSE ; TOURNUS " et se laisser guider par les premiers panneaux mis en place pour le Salon.

    Par l'autoroute : sortir impérativement à BOURG NORD, puisse laisser guider (attention, travaux en cours à la sortie de l'autoroute, rond-point en construction)

    Carte-NB.jpg

     

    plan-attignat.jpg

  • J - 4

    "Le week-end restera perturbé et frais, malgré une légère hausse du mercure qui s'amorcera à partir de dimanche. De manière générale, on n'attend plus de beau temps doux (comme nous le connaissons actuellement) avant la dernière décade d'octobre au moins. Quant au risque d'épisode de temps violent (tempêtes, fortes pluies méditerranéennes), il reste encore limité mais à affiner dans nos prochains bulletins. "
    "Alors, pour tous un conseil, un bel et bon conseil : allez vous réfugier au Salon d'Attignat, il y fera un temps estival, chaud au cœur et belles rencontres avec vos auteurs préférés."
    (dixit la chaîne Météo)

  • QUE DU BEAU MONDE...

    Liste (à jour au 2 octobre) des auteurs présents à ATTIGNAT  le 13 octobre:

     

     

    AUTEURS INSCRITS AU SALON D’ATTIGNAT 2013

    DIMANCHE 13 OCTOBRE

     

    ALIX Cécile

    ALLEMAND Daniel (Thot)

    APRIL Constance

    ARNOUX Sylvie

    BAL Serge

    BENOIST Pierre

    BENOIST Renaud

    BERNARD Jacques

    BERNARD Quentin (Paradis)

    BERTANI Cendrine

    BIB SONORE

    BIEHLER Jeannine

    BIELER Michel

    BLONDELON Alain

    BOUSSOUAR Hélène

    BOUYER Laurence

    CAETERET L./TREFFORT L.

    CARACOLIVRES (F. Prost)

    CHAMBOREDON Frédéric

    CHERIF Aïcha

    CHOSSIERE Catherine

    COBERT Harold

    COLTICE Bernadette

    COURTÈS Franck

    CRUZ Guillaume

    DELACOURT Grégoire

    DIAMANT VOUIVRE (R. FERRARIS)

    DOUTREMER Bruno

    DUMONT Lucile

    DUPONT David (thot)

    ED. DEVIN (J. Tournier)

    Editions MOT PASSANT

    En Bresse d’hier à Ajourd’hui

    FABRI Eugène

    FONTANAU Maryline

    FRIER Alain

    FUENTES Roland

    GALAN Patrick

    GARDAZ Kriss

    GARNIER Marie

    GOBRY André

    GONON Valérie

    GOUBET Robert

    GUYON Thibaut

    JEANGIRARD Jérôme, LAPALUS Genviève

    JEANNIN Laurent

    LAUGIER Yoan

    LAURIA Angelo

    LE CORFF Aude

    LESCA-DAULON Denise

    LIBRAIRIE du THEATRE

    LOMBARDI Marina

    LUBAC Lydie

    MARCHAL Eric

    MARTINEZ Anne

    METAIS GUYADER Isabelle

    MYLO (Aurèlie Guède)

    NEIRYNCK Eric

    NEMO Jeanne

    NEMO Alain

    OGIER Claudie

    PACAUD Véronique

    PACCALLET Emilie

    PAGNOUD Jeannine

    PARIS Gilles

    PATRIMOINE DES PAYS DE L’AIN

    PELIER Philippe

    PERE Marylène

    PIGOT Marie-Ange

    PONCET Patrick

    POUDIERE Didier

    PUTINIER Robert

    QUINTIN Loïc (Naturaid)

    SAKON Jeannine Cécilia

    SALVAT Régine

    SCANNELLA Marie (Thot)

    SECONDI Claude

    THIBAUT Céline

    TONG CUONG Valérie

    TRICOT REYNAUD Antonia

    VASSEL Graphique (Bertrand)

    VIALAT Jacques (Thot)

    VISA Jeux (JL Chevalier)